Chaque mois le CDES vous propose dans Jurisport l’expression d’un point de vue sur un sujet d’actualité du secteur du sport !
Pour ce numéro, retrouvez Jean-Jacques Gouguet, Responsable scientifique des études économiques du CDES.
Coupe du monde de football au Qatar : seule l'éthique peut trancher
Le coût de l’organisation de la Coupe du monde de football au Qatar a été estimé à 200 milliards d’euros, ce qui peut apparaître comme exagéré pour un seul évènement sportif. Néanmoins, selon la plupart des observateurs, il y aurait un bon retour sur investissement avec la réussite de l’organisation qui a rempli les stades (plus de trois millions de spectateurs) et mobilisé pendant un mois une bonne partie de la planète sur tous les médias. Le Qatar aurait ainsi conforté l’image d’une société traditionaliste certes, mais ouverte et accueillante. Cela pourrait alors bénéficier à l’activité économique du pays et contribuer à sa diversification autour du tourisme ou d’autres secteurs porteurs, permettant ainsi de dépasser la seule rente pétrolière.
"Il est en effet trop facile de conclure à la rentabilité de la Coupe du monde en ignorant tous les facteurs qui dérangent"
Jean-Jacque Gouguet
Le revers de la médaille réside toutefois dans toutes les externalités négatives qui n’ont pas été intégrées dans le calcul de rentabilité précédent. La question se pose de savoir si le retour sur investissement resterait positif si l’on internalisait tous ces effets négatifs. Il est en effet trop facile de conclure à la rentabilité de la Coupe du monde en ignorant tous les facteurs qui dérangent. C’est ce que l’on appelle en théorie économique une stratégie de passager clandestin. Il faudrait donc introduire dans le calcul économique la valeur de toutes les externalités négatives oubliées : vies humaines perdues lors de la préparation de l’évènement ; rejets de gaz à effet de serre ; gaspillage de ressources rares ; recours au travail forcé ; apartheid social de la main-d’œuvre immigrée ; non-respect des droits humains…
Au final, de quel côté pencherait la balance coûts/bénéfices ? Un seul calcul monétaire est incapable de le dire. L’amélioration de l’image du Qatar est difficile à évaluer monétairement, tout comme les externalités négatives mentionnées. Il ne reste donc selon nous que la prise en compte de principes éthiques pour pouvoir trancher, et chacun doit se faire sa propre opinion. Peut-on considérer que les intérêts d’une pétromonarchie et le bien-être ponctuel de fans de football compensent tous les coûts sociaux mentionnés ? Pour ceux qui répondent par l’affirmative, il sera certainement très compliqué dans un proche avenir d’expliquer à leurs propres enfants que cette Coupe du monde au Qatar méritait bien de tels sacrifices.