Une fédération sportive peut-elle être contrainte, sur décision du juge des référés, de réintégrer ou d’intégrer une équipe dans un championnat qui a déjà débuté ?
Réponse négative du Conseil d’État qui considère que toute décision relative à la détermination des clubs appelés à participer à un championnat doit être regardée comme entièrement exécutée dès lors que ce championnat a commencé.
Les faits de l’espèce étaient les suivants.
À l’issue de la saison 2021-2022, l’équipe des U14 (moins de 14 ans) du Racing Football Club de Toulon a obtenu sportivement le droit d’accéder au championnat régional, mais elle s’est vue infliger un point de pénalité (pour non-conformité du diplôme de son éducateur) par la commission de structuration des clubs du district du Var de football, ce qui a eu pour effet de la maintenir en championnat départemental. Cette pénalité a par la suite été confirmée par la commission d’appel réglementaire du district dans une décision du 12 juillet 2022.
Le club a alors saisi le conciliateur du CNOSF qui a proposé au district du Var de rapporter la décision de sa commission d’appel. Le district ayant refusé cette proposition par une décision du 1er septembre 2022, le club a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Toulon pour demander la suspension de l’exécution des décisions du district des 12 juillet et 1er septembre 2022 en tant qu’elles avaient pour effet de priver son équipe U14 de participer au championnat régional.
Le juge des référés a fait droit à cette demande par une ordonnance du 17 octobre 2022, cette dernière ayant égale- ment enjoint au district d’inclure l’équipe du Racing FC Toulon au sein du championnat régional après lui avoir restitué le point retiré à l’issue de la saison 2021-2022 du championnat départemental.
Le district a provisoirement modifié le classement du championnat U14 de la saison 2021-2022 et transmis à la ligue Méditerranée de football cette ordonnance en l’interrogeant sur les modalités d’intégration de l’équipe U15 du Racing FC Toulon au championnat régional. Par une décision du 23 février 2023, la ligue a refusé cette intégration dans le championnat en cours, ce qui a conduit le club à saisir à nouveau le juge des référés du tribunal administratif de Toulon pour obtenir la suspension de l’exécution de cette décision ainsi que des décisions précédentes du district.
Par une ordonnance du 14 mars 2023, le juge des référés a fait droit à cette demande et enjoint à la ligue Méditerranée d’intégrer l’équipe de Toulon dans le championnat régional U15 de la saison 2022-2023 à compter de la notification de son ordonnance, sous astreinte de 500 euros par jour de retard (alors même que ce championnat touchait à sa fin).
Saisi d’un pourvoi contre ces deux ordonnances, le Conseil d’État siffle la fin de la partie. Il estime que le juge des référés a commis une erreur de droit en estimant qu’il y avait lieu de statuer sur les litiges dont il était saisi. En effet, ces litiges portant sur la détermination des clubs appelés à participer au championnat régional U15 organisé par la ligue Méditerranée pour la saison 2022-2023, lequel avait déjà débuté, les décisions litigieuses devaient être regardées comme entièrement exécutées. Logique, on ne peut pas suspendre l’exécution d’une décision administrative qui a déjà produit tous ses effets.
Statuant sur les demandes de suspension du club en application de l’article L. 821-2 du code de justice administrative, le Conseil d’État tire les conséquences de son raisonnement en jugeant que ces demandes, enregistrées après le commencement du championnat régional, sont dépourvues d’objet et donc irrecevables.
Encore une affaire qui témoigne du fait que le temps de la justice, fût-ce dans le cadre d’une procédure en référé, n’est pas toujours conciliable avec le temps sportif.
Franck LAGARDE
[CE 11 mai 2023, no 468650]