ACTU | JURISPRUDENCE | Quand “l’abus de droit” sauve le club

par Cynthia Angleraud

À la suite d’un contrôle concerté des clubs de Top 14 portant sur les années 2013 à 2015, l’URSSAF de Midi-Pyrénées a notifié à la SASP Stade toulousain un redressement de cotisations portant sur différents chefs.

Annulé en première instance, le redressement est confirmé par la cour d’appel de Toulouse (arrêt du 26 mars 2021), ce qui amène le club à se pourvoir en cassation.

Dans son pourvoi, le Stade toulousain reproche notamment à la cour d’appel d’avoir écarté ses arguments portant sur la régularité des opérations de contrôle. Le club invoquait en effet la nullité du contrôle pour deux raisons.

Il estimait tout d’abord que faute de mentionner l’existence d’un contrôle concerté ou de viser l’article L. 225-1-1 du code de la sécurité sociale (CSS), l’avis de contrôle était affecté d’une irrégularité procédurale lui faisant grief et entachant la validité des opérations de contrôle, peu importe que les dispositions de l’article R. 243-59 du CSS ne subordonnent pas la régularité de l’avis de contrôle à cette mention. Selon lui, il n’avait pas eu une information suffisamment précise sur la nature du contrôle qui allait intervenir et sur son étendue, de sorte qu’il n’aurait pas pu organiser utilement sa défense et la coordonner avec les autres clubs visés par le contrôle.

Ce moyen est rejeté par la Cour de cassation. Celle-ci confirme en effet l’arrêt d’appel en ce qu’il a jugé que l’article R. 243-59 du CSS n’exige pas que l’avis de contrôle fasse mention de l’existence d’un contrôle concerté.

Le club soutenait encore que l’URSSAF n’avait pas respecté la procédure « d’abus de droit » prévue aux articles L. 243-7-2 et R. 243-60-1 du CSS pour procéder au redressement d’une somme versée par le club à une société chargée d’exploiter l’image individuelle d’un joueur salarié (selon l’URSSAF, il s’agissait là d’un complément de rémunération découlant de l’exécution normale du contrat de travail). Sur ce moyen, la Haute autorité judiciaire donne raison au club.

Selon l’article L. 243-7-2 du CSS, afin d’en restituer le véritable caractère, les organismes de recouvrement sont en droit d’écarter, comme ne leur étant pas opposable, les actes constitutifs d’un abus de droit, soit que ces actes aient un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice d’une application littérale des textes à l’encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n’aient pu être inspirés par aucun autre motif que celui d’éluder ou d’atténuer les contributions et cotisations de sécurité sociale d’origine légale ou conventionnelle auxquelles le cotisant est tenu.

Selon la Cour de cassation, lorsque l’URSSAF écarte un acte juridique dans les conditions énoncées ci-dessus, elle se place nécessairement sur le terrain de l’abus de droit et doit alors se conformer à la procédure prévue à cet effet (dans ce cas, la décision de mettre en œuvre la procédure est prise par le directeur de l’organisme de recouvrement qui contresigne la lettre d’observations, celle-ci devant mentionner la possibilité de saisir le comité d’abus de droit et les délais impartis au cotisant pour ce faire). À noter qu’en statuant comme elle l’a fait, alors qu’elle avait constaté que l’URSSAF avait écarté la convention litigieuse au motif qu’elle avait pour seul objet d’éluder le paiement des cotisations sociales, ce dont il résultait qu’elle s’était implicitement placée sur le terrain de l’abus de droit pour opérer le redressement, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ces constatations et a ainsi violé les articles L. 243-7-2, R. 243-60-1 et R. 243-60-3 du CSS dans leur rédaction applicable au litige.
L’affaire est renvoyée devant la cour d’appel de Bordeaux qui devrait acter la nullité du contrôle – et donc du redressement – en raison de cette violation.

Cet arrêt de la Cour de cassation-1 devrait amener les URSSAF à se référer plus souvent qu’elles ne le font jusqu’à présent à la procédure de l’abus de droit pour certaines pratiques visant à éluder le paiement des cotisations et contributions de sécurité sociale-2.

Franck LAGARDE

 

1. V. également les deux autres arrêts rendus le même jour par la Cour de cassation : Soc. 16 févr. 2023, no 21-11.600 et Civ. 2e, 16 févr. 2023, n° 21-18.322, Dr. soc. 2023. 352, étude I. Beyneix.

2. Si l’URSSAF constate un abus de droit, le cotisant est alors redevable d’une pénalité égale à 20 % des cotisations et contributions dues.

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