Chaque mois le CDES vous propose dans Jurisport l’expression d’un point de vue sur un sujet d’actualité du secteur du sport !
Pour ce numéro, retrouvez Jean-Pierre Karaquillo, professeur émérite de l’Université de Limoges.
La spécificité du droit du sport : un besoin de précisions
La spécificité du droit du sport est devenue une évidence. Elle doit pourtant être précisée pour en mesurer la portée.
Les auteurs, économistes, gestionnaires, juristes, sociologues… qui réfléchissent à la régulation de l’activité sportive savent qu’elle est une activité sociale singulière dans son organisation, son fonctionnement et sa pratique qui s’inscrivent au sein d’entités juridiques sportives nationales rattachées tout à la fois à des entités juridiques sportives internationales et aux États de leur siège social. Aussi, est-il cohérent et pas surprenant que, par lucidité ou opportunité politique, plusieurs États, interventionnistes dans le secteur des activités sportives, ouvrent leur droit positif aux préoccupations et aux exigences régulatrices du mouvement sportif. Ils contribuent alors à la promotion d’un droit du sport affichant, assidûment, sur divers thèmes, son originalité en écartant « le droit applicable à tous ». Le foisonnement de textes français relatifs exclusivement au sport tels que les dispositifs législatifs et réglementaires sur les sociétés sportives, les agents sportifs, les contrats de travail à durée déterminée de sportifs et d’entraîneurs professionnels, les actes administratifs, en portent témoignages. Et cette tendance est, parallèlement, renforcée par des jurisprudences du Conseil d’État et de la Cour de cassation qui, progressivement, par des mécanismes appropriés, « aménagent » un droit seulement applicable au sport.
Toutefois, cette spécificité n’est pas sans précédent. Elle est classique. Elle est dans la mouvance de l’évolution du droit issu des autorités publiques avec le pullulement de nouvelles branches « du droit officiel ». À vrai dire, il s’agit de régulations juridiques spéciales – de « statuts spéciaux » dérogeant, totalement ou partiellement, aux régulations juridiques générales – aux « statuts généraux » (des contrats de la responsabilité civile, des actes administratifs, etc.) produits du « droit officiel » qui participent au développement constant des droits d’État spécifiques qui émergent avec continuité puissamment en étant l’objet d’études et de formations1.
Mais les racines de la spécificité du droit du sport se greffent, aussi, sur plus inhabituel et impression- nant : une organisation, un fonctionnement, une pratique des activités sportives transnationale, universelle, dont le maintien repose sur l’existence et l’effectivité d’un agglomérat de règles « construites » par les communautés sportives internationales et relayées par les mouvements sportifs nationaux. La spécificité de ce droit, de cette lex sportiva révèle l’identité du sport planétaire institutionnalisé. Elle lui est inhérente. Sa portée est considérable, d’autant qu’au cœur de cette lex sportiva il y a l’empreinte de principes généraux : le monopole, la solidarité du secteur professionnel/amateur, l’équilibre et l’équité des compétitions, la loyauté, la sincérité… qui constituent son ordre public incontournable dont le respect conditionne la survie du modèle sportif transnational.
À titre d’exemples récents, le droit animalier et le droit équin. L’Institut du droit équin (installé à l’université de Limoges) vient d’ailleurs d’organiser un colloque sur le thème : « Cheval et droit : quelles spécificités ? ».