EDITO JURISPORT | JANVIER 2022

par Gallot

Chaque mois le CDES vous propose dans Jurisport l’expression d’un point de vue sur un sujet d’actualité du secteur du sport !

Pour ce numéro, retrouvez Jean-Jacques Gouguet, professeur émérite de l’Université de Limoges.

Faut-il boycotter Pékin 2022 ?

La question de l’accueil de grands évènements sportifs dans des régimes non démocratiques refait surface à l’occasion des JO d’hiver de Pékin. Doit-on boycotter ces Jeux pour dénoncer un État totalitaire responsable de multiples atteintes aux libertés individuelles fondamentales, voire coupable de l’ethnocide d’une partie de sa population ?

Deux réponses radicalement opposées sont en débat :

  • Pour les uns, il faudrait, a minima, organiser un boycott diplomatique comme les États-Unis ont été les premiers à le proposer, suivis ensuite par le Royaume-Uni, l’Australie et le Canada. La portée d’un tel boycott est essentiellement symbolique et touche à la réputation de la Chine sur la scène internationale ;
  • Pour les autres, il ne faut rien faire, l’Occident n’ayant pas la légitimité nécessaire pour donner des leçons en la matière avec, par exemple, ses ventes d’armement à des régimes non démocratiques qui en ont fait un usage bafouant les droits humains.

Une fois de plus, ces querelles ne font que revenir sur l’éternelle question de la fausse neutralité du sport. Dans l’entre-deux guerres, les rencontres sportives entre pays démocratiques et dictatures deviennent des enjeux idéologiques de premier plan. Ces tensions se poursuivent et s’amplifient dans l’après-guerre avec la guerre froide que se mènent les deux blocs. Il en est ainsi du boycott des JO de Moscou par les États- Unis suivi de celui des JO de Los Angeles par l’URSS.

Cette fausse neutralité du sport vis-à-vis du politique se double, à partir des années 1980, d’une dépendance de plus en plus forte à l’égard de la logique économique de marché. Cela permet de comprendre que l’accueil de grands évènements sportifs se fait de plus en plus dans des pays à régime politique autoritaire qui sont capables d’imposer des choix qui ne seraient pas nécessairement admis dans une démocratie. Face à une rentabilité non assurée, des régimes forts sont capables de garantir l’acceptation de dépenses d’organisation qui pourraient avoir une meilleure utilité sociale dans d’autres secteurs.

Il faut donc connaître, au-delà des oppositions idéologiques, les véritables enjeux économiques globaux qui entourent l’acceptation ou le refus du boycott des grands évènements sportifs. Et il est malheureusement à craindre que l’éthique ne pèsera pas très lourd face à l’économique.

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