ACTU | JURISPRUDENCE : PREALABLE OBLIGATOIRE DE CONCILIATION ET SAISIE DU JUGE CIVIL DES REFERES

par Cynthia Angleraud

Trente ans jour pour jour après la mise en place de la procédure de concilia­tion obligatoire devant le Comité national olympique et sportif français (CNOSF) par la loi Bredin du 13 juillet 1992, la Cour de cassation « fête » cet anniversaire en relativi­sant la portée de ce caractère obligatoire. Le contentieux des assemblées générales des fédérations sportives fait partie de cet « îlot de résistance judiciaire » dans un océan de compétence administrative s’agis­sant des actes des fédérations délégataires-1. Or, en application de l’article R. 141-5 du code du sport qui dispose que « la saisine du [CNOSF] à fin de conciliation constitue un préalable obligatoire à tout recours conten­tieux, lorsque le conflit résulte d’une décision, susceptible ou non de recours interne, prise par une fédération dans l’exercice de préroga­tives de puissance publique ou en application de ses statuts », les décisions d’une fédération en matière électorale (recevabilité des candi­datures, organisation matérielle des élections, proclamation des résultats…) relèvent du préalable obligatoire de conciliation non pas en ce qu’elles révèlent l’utilisation de préro­gatives de puissance publique (conduisant à la compétence administrative) mais au motif qu’elles sont prises en application des statuts de la fédération en cause (orientant le contentieux vers la voie judiciaire).

Depuis fort longtemps, le juge administratif considère de façon constante que l’omission du préalable obligatoire de conciliation conduit à une irrecevabilité du recours, alors même que ce recours préalable aurait été finalement introduit postérieurement à la saisine du juge, cette obligation étant ainsi insusceptible d’être régularisée en cours d’instance-2.

Le juge judiciaire ne s’était, pour sa part, jamais prononcé au plus haut niveau puisque l’on peine à recenser deux ordonnances de référé devant feu le TGI – au demeurant assez anciennes-3 – ayant considéré que l’omis­sion du préalable de conciliation devant le CNOSF constituait « une irrégularité sanc­tionnée par une fin de non-recevoir ».

Or, saisie d’un pourvoi formé à l’encontre d’un arrêt de la cour d’appel de Lyon du 28 avril 2021 (no 20/03725) confirmant une ordon­nance de référé du tribunal judiciaire de Lyon du 1er juillet 2020 (no 20/00827), la Cour de cassation vient d’adopter une position qui fait prévaloir la voie du contentieux sur celle du mode alternatif de résolution des litiges.

Dans l’affaire signalée, qui concernait une assemblée générale de la Fédération fran­çaise de taekwondo et disciplines associées, les requérants contestaient la régularité de la convocation à ladite assemblée qui s’est tenue fin juin 2020.

Ayant contesté celle-ci au moyen d’un référé « heure à heure », ils s’étaient vus opposer une fin de non-recevoir par le juge des référés, confirmée en appel, au motif qu’ils avaient omis de saisir préalablement le CNOSF à fin de conciliation.

Cette vision des choses est censurée par la Cour pour deux motifs qui interpellent l’administrativiste.

Tout d’abord, elle pose qu’« en cas de trouble manifestement illicite ou de dommage imminent, les dispositions de l’ar­ticle R. 141-5 ne font pas obstacle à la saisine du juge des référés ».

Précisons que si le juge administratif consi­dère pour sa part que la voie du référé n’est pas fermée alors même que la procédure de conciliation ne serait pas achevée, c’est à la condition que le requérant justifie d’avoir au moins initié celle-ci-4.

Puis elle considère que le fait de convoquer les membres d’une association en vue de l’assemblée générale de la fédération ne constitue pas une « décision » au sens de l’article R. 141-5 mais « un acte préparatoire aux délibérations de l’assemblée générale ».

En droit administratif, un tel acte prépa­ratoire, ne faisant par définition pas grief, n’aurait pu faire l’objet d’un recours…

Rappelons, à toutes fins utiles, que le préa­lable obligatoire de conciliation avait été notamment mis en place en 1992 pour résoudre facilement des litiges avant qu’ils ne dégénèrent en « vrais » contentieux. Telle est, selon nous, une réelle vision utili­tariste des choses…

  1. Encore que l’on assiste ces derniers temps à un cu­rieux retour de balancier de la part du juge administra­tif en matière disciplinaire (v. CAA Paris, 21 mars 2022, no 21PA00916, JS 2022, no 229, p. 8, obs. F. Lagarde).
  2. CE 22 nov. 2006, n° 289839, Association Squash Rouennaise, Lebon ; AJDA 2006. 2256.
  3. TGI Paris, réf., 13 déc. 1996, Belmudez c/ la Fédéra­tion française de rugby, inédit ; TGI Paris, réf., 13 déc. 1996, Ceccon c/ Fédération française de rugby, inédit.
  4. TA Rouen, réf., 28 déc. 2001, Chebah c/ la Fédération française de boxe, D. 2002. 2710, obs. J.-C. Breillat.

 

Jean-Christophe BREILLAT

[Civ. 3e, 13 juill. 2022, no 21-18.796]

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