Chaque mois le CDES vous propose dans Jurisport l’expression d’un point de vue sur un sujet d’actualité du secteur du sport !
Pour ce numéro, retrouvez Jean-Pierre Karaquillo, professeur émérite de l’Université de Limoges.
Une mise au ban à durée indéterminée
L’ordre juridique du sport international guidé par le Comité international olympique (CIO), et auquel s’adossent les fédérations sportives internationales, inscrit indéniablement ses missions dans les empreintes démocratiques¹ d’un libéralisme régulé. Ce libéralisme se doit de ne pas être handicapé par les contraintes imposées par les pouvoirs politiques et les pouvoirs économiques². À défaut la crédibilité du mouvement sportif international – du CIO et des fédérations sportives internationales – en sera perturbée et sa survie par reflux de son autonomie et de son indépendance sera en marche. Aussi, a-t-il été déterminant que les institutions sportives ne se soient pas laissées enfermer dans la négation des droits de l’homme qui pour le régime totalitaire de la Russie ne sont que « des droits “égoïstes” preuve de l’aliénation de l’individu dans les sociétés libérales »³. Mieux encore, il est rassurant qu’en présence des exécrables abominations découlant de l’invasion de l’Ukraine par la Russie qui malmène la conscience des populations, les dénonciations sanctionnatrices du mouvement sportif aient les traits d’une mise en lumière d’une défense des droits humains enfouis dans ses codes, chartes ou règlements. Ce principe de respect des droits de l’homme y éclate, au vu de telles circonstances, comme étant un principe fondamental supérieur de l’ordre juridique du sport tout en donnant du poids à d’autres de ses principes fondamentaux : l’indépendance et l’autonomie. Cette résurgence de respect des droits humains a pour autre vertu d’être un argument permanent pour ne pas surseoir aux mesures prises ou ne pas y renoncer, tant que les agissements de l’État Russe perdureront, et avec cohérence, rêvons que les autres États indifférents à la préservation des droits de l’homme sentent que le souffle de cette philosophie est susceptible de leur être préjudiciable.
Ce titillement d’espérance a, pourtant, un adversaire redoutable : la pusillanimité de dirigeants sportifs persuasifs et influents invoquant les atteintes à l’universalité et le risque de concurrences au monopole du CIO et des fédérations sportives internationales. Mais il y a, désormais, d’une part, amplification du poids, corporatiste et médiatique de nombreux athlètes de renom qui fustigent l’indignité humaine des régimes autoritaires ainsi que, d’autre part, l’échec de ces derniers à imposer un ordre juridique du sport évinçant celui aggloméré autour du CIO et des fédérations sportives internationales4. Alors osons un fantasme à savoir que ces États se plient aux injonctions de paix et d’humanisme du mouvement sportif international, appuyées par la diplomatie internationale, plutôt que d’être marginalisés dans le secteur des activités sportives de compétitions.
- Sur incitations pressantes du Tribunal arbitral du sport et de la Commission européenne. V. F. Latty, La lex sportiva, Recherche sur le droit transnational, Martinus Nrjhoff Publishers, 2007, p. 281 à 291 et p. 721 s ; V. aussi, J.-P. Karaquillo, L’ordre juridique du sport à la croisée des chemins, RDP 2021, no 3, Lextenso, p. 720.
- V. J.-M. Vittori, Le libéralisme à l’épreuve du XXI e siècle, les Échos, les débats de la présidentielle, 4 et 5 mars 2022, p. 12.
- V. J. Morange, Les droits de l’homme dans l’ordre juridique français : pierre angulaire ou pierre d’achoppement ?, RDP 2021, no 3, Lextenso, p. 784.
- V. N. Lepeltier, Moscou veut redéfinir la géopolitique du sport…, Le monde, Sports, 17-18 avr. 2012, p. 19.