Il y a trois mois, dans ces mêmes colonnes, nous signalions un arrêt du Conseil d’État qui était susceptible de remettre en cause le régime des incapacités d’exercice applicable aux éducateurs sportifs (CE 12 févr. 2021, no 443673, JS 2021, no 2017, p. 8). Dans cet arrêt, le Conseil d’État avait jugé en effet recevable une question prioritaire de constitutionnalité portant sur la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution du 7° de l’article L. 212-9 du code du sport. Mais le Conseil constitutionnel, saisi de cette question, a finalement jugé ce texte conforme à la Constitution. Pour rappel, l’article en question prévoit que nul ne peut exercer les fonctions visées à l’article L. 212-1 du code du sport (enseignement, animation, encadrement d’une activité physique ou sportive ou entraînement de ses pratiquants), à titre rémunéré ou bénévole, s’il a fait l’objet d’une condamnation pour certaines infractions pénales, et en particulier pour les délits prévus aux articles L. 235-1 et L. 235-3 du code de la route (conduite à la suite d’un usage de substances ou plantes classées comme stupéfiants ; refus de se soumettre, lors d’un contrôle routier, à une épreuve de dépistage permettant d’établir cet usage).
En l’espèce, un éducateur sportif s’était vu retirer sa carte professionnelle après avoir été condamné pour conduite sous l’emprise de cannabis. Il reprochait aux dispositions du code du sport susvisées, d’une part, de soumettre la profession d’éducateur sportif à une obligation d’honorabilité et, d’autre part, d’instituer, en cas de condamnation pour un tel délit, une incapacité professionnelle définitive ne prenant en compte ni la gravité des faits incriminés, ni les conditions d’exercice des fonctions de la personne condamnée, de sorte qu’il en résulterait selon lui une atteinte injustifiée et disproportionnée à la liberté d’entreprendre.
Dans sa décision, le Conseil constitutionnel rappelle tout d’abord que le législateur peut apporter à cette liberté, qui découle de l’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l’intérêt général, à la condition qu’il n’en résulte pas d’atteinte disproportionnée au regard de l’objectif poursuivi.
Or, en l’occurrence, si l’incapacité est automatiquement prononcée par l’autorité administrative compétente (le préfet) sur le constat d’une condamnation pour ces infractions au bulletin no 2 du casier judiciaire, il existe néanmoins des « garde-fous » qui permettent, d’après le Conseil constitutionnel, de considérer que la restriction apportée à la liberté d’entreprendre n’est pas excessive au regard de l’objectif poursuivi par le législateur, à savoir garantir l’éthique des enseignants sportifs en raison de l’influence qu’ils peuvent exercer sur les pratiquants sportifs.
Les sages de la rue de Montpensier relèvent ainsi qu’en application de l’article 775-1 du code de procédure pénale, le juge peut exclure la mention de cette condamnation au bulletin no 2 soit à l’occasion du jugement, soit par un jugement rendu postérieurement sur une requête du condamné formée à l’issue d’un délai de six mois après cette condamnation. Cette exclusion emporte alors relèvement de toutes les incapacités de quelque nature qu’elles soient résultant de la condamnation.
Ils relèvent par ailleurs qu’après un délai, selon les cas et hors récidive, de trois ou cinq ans, les personnes condamnées peuvent bénéficier d’une réhabilitation de plein droit prévue aux articles 133-12 et suivants du code pénal ou encore d’une réhabilitation judiciaire prévue aux articles 785 et suivants du code de procédure pénale. Cette réhabilitation, là encore, efface les incapacités d’exercice qui résultent de la condamnation.
La portée de cette décision du juge constitutionnel va bien au-delà du seul régime des incapacités propres aux éducateurs sportifs. En effet, les dispositions du code pénal et du code de procédure pénale mentionnées ci-dessus étant des dispositions générales, le raisonnement du Conseil constitutionnel est assurément transposable aux régimes d’incapacité d’exercice visant d’autres professions. On pense notamment, pour rester dans la sphère du sport, à celui applicable aux agents sportifs en vertu de l’article L. 222-11 du code du sport.
Franck LAGARDE
[Cons. Const. 7 mai 2021, n° 2021-904, QPC]