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Pour ce numéro, retrouvez Franck Lagarde, avocat CDES conseil.
Contentieux des décisions fédérales : quand la complexité compromet l'accès au juge
Dans le célèbre arrêt FIFAS du 22 novembre 1974, le Conseil d’État nous a enseigné que lorsque les fédérations sportives prennent, dans le cadre de la mission de service public administratif qui leur est déléguée par l’État (sous la forme aujourd’hui d’un acte unilatéral et d’un contrat), des décisions qui s’imposent à leurs licenciés ou leurs clubs affiliés et révèlent l’usage de prérogatives de puissance publique, ces décisions présentent alors le caractère d’actes administratifs relevant de la compétence des juridictions administratives.
Il s’en déduit que relèvent à l’inverse de la compétence des juridictions judiciaires non seulement l’en- semble des décisions prises par les fédérations qui ne sont pas titulaires de la délégation, mais également une partie de celles prises par les fédérations délégataires dès lors qu’elles n’entrent pas dans le cadre de leur mission de service public et/ou ne constituent pas la mise en œuvre d’une prérogative de puissance publique. Il en va ainsi, en particulier, des décisions qui concernent le fonctionnement interne desdites fédérations ou prises en application de leurs statuts.
Ceci étant, force est malheureusement de constater que le contentieux des actes des fédérations sportives est loin d’être aujourd’hui totalement clarifié et stabilisé. En effet, dans ce domaine comme dans d’autres, les justiciables font encore, trop souvent, les frais de la complexité et des incertitudes qui entourent la répartition des compétences entre les deux ordres de juridictions. Le flou quant à l’étendue de la mission de service public déléguée aux fédérations et à la notion de « prérogative de puissance publique » n’y est pas pour rien. En témoignent deux affaires récentes, qui s’inscrivent dans la lignée d’une jurisprudence quelque peu chaotique.
Alors qu’on croyait acquis le fait que les statuts et le règlement intérieur d’une fédération délégataire sont des actes de droit privé relevant du juge judiciaire (CE 12 déc. 2003, no 219113), le Conseil d’État s’est reconnu compétent pour statuer, en référé, sur une demande tendant à l’abrogation de l’article 1er des statuts de la Fédération française de football interdisant, à l’occasion de compétitions ou manifestations organisées sur le territoire de la Fédération ou en lien avec celles-ci, tout port de signe ou tenue manifestant ostensible- ment une appartenance religieuse ainsi que tout acte de prosélytisme (CE 22 nov. 2021, no 458092).
Plus logique mais malgré tout discutable, cet autre arrêt par lequel le Conseil d’État a décliné sa compétence pour connaître d’une décision du conseil d’administration de la Ligue de football professionnel adoptant les guides de répartition des droits audiovisuels de la Ligue 1 et de la Ligue 2. Selon lui, cette décision, qui se rattache à l’activité de commercialisation des droits d’exploitation audiovisuelle et concerne la redistribution des produits en résultant entre les sociétés sportives propriétaires de ces droits, ne met pas en œuvre une prérogative de puissance publique (CE 3 févr. 2022, no 451960 et 28 oct. 2021, no 445699)1.
À quand une simplification de ce contentieux sportif, par exemple, en confiant par voie législative au juge administratif une compétence exclusive pour connaître de toutes les décisions émanant des fédérations délégataires ? On peut toujours rêver…
- V. aussi, pour une autre illustration de ce flou : CAA Paris, 21 mars 2022, n° 21PA00916, dans ce numéro, obs. F.L. p. 8.