Décidément, c’est à y perdre son latin ! ! Alors qu’il semblait acquis que toutes les décisions disciplinaires prises par une fédération sportive délégataire constituaient l’exercice d’une prérogative de puissance publique et qu’elles relevaient, par suite, de la compétence du juge administratif, la cour administrative d’appel de Paris est venue semer le doute en considérant que certaines de ces décisions doivent être contestées devant les juridictions judiciaires1.
Le litige opposait l’ancien dirigeant d’un comité départemental de la Fédération française de tennis (FFT) à cette fédération délégataire. En cause une décision disciplinaire prise par la commission de justice fédérale de la FFT sanctionnant l’intéressé d’une interdiction d’exercice de fonction en quelque qualité que ce soit au sein de la fédération et de ses organes déconcentrés pour une durée de six ans.
La cour annule le jugement du tribunal administratif de Paris, qui avait débouté l’ancien dirigeant, pour irrégularité et, statuant par voie d’évocation, rejette la demande du requérant comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître.
Selon elle, « l’exercice par une fédération sportive délégataire du pouvoir disciplinaire à l’égard de l’un de ses membres (sic) en raison d’irrégularités commises dans le cadre de ses fonctions de président d’un comité départemental se rapporte à l’organisation interne de l’association et les sanctions prises en application de ce pouvoir disciplinaire ne constituent pas l’exercice d’une prérogative de puissance publique et, par suite, ne peuvent être contestées que devant l’autorité judiciaire ».
À suivre ce raisonnement, il existerait donc, au sein des fédérations délégataires, deux pouvoirs disciplinaires de nature différente : l’un se rapportant à la mission de service public administratif déléguée à la fédération en vertu de l’article L. 131-14 du code du sport, l’autre à son organisation interne en tant qu’association loi 1901. Les sanctions prises en application du premier seraient des actes administratifs car constituant la mise en œuvre, par la fédération, d’une prérogative de puissance publique. Quant à celles découlant du second, il s’agirait d’actes de droit privé car ne constituant pas, à l’inverse, la mise en œuvre d’une telle prérogative.
Pour séduisante qu’elle puisse paraître d’un point de vue intellectuel, cette analyse, qui conduit à une dichotomie du pouvoir disciplinaire des fédérations délégataires, est parfaitement critiquable lorsqu’on envisage ses conséquences pratiques pour les justiciables concernés (notamment les licenciés).
Une fois passé le filtre du préalable obligatoire de conciliation devant le CNOSF, les intéressés (leurs conseils) devraient en effet alors trancher la question de savoir si la sanction dont ils font l’objet se rapporte à la mission de service public de la fédération, et dans ce cas saisir le juge administratif, ou à son organisation interne, et dans ce cas se tourner vers le juge judiciaire ? Or, cette question peut s’avérer plus complexe qu’il n’y paraît.
Faut-il en effet prendre en compte la nature des faits à l’origine de la sanction ou bien les effets de cette dernière ? La décision n’est pas des plus claire sur ce point. À supposer qu’il faille prendre en compte ses effets, qu’en est-il d’une sanction emportant des effets dans l’un et l’autre domaine ? En l’espèce, notamment, la mesure d’interdiction ne se limitait pas aux fonctions dirigeantes du licencié mais s’étendait à d’autres fonctions, par exemple d’arbitrage, au sein de la fédération… Et que dire de la confusion de la cour entre les notions de « membre » et de « licencié ».
En effet, le requérant n’a pas été sanctionné en tant que membre de la FFT mais en tant que licencié, de sorte que l’on peut se demander si l’on touche bien là à l’organisation interne de cette institution.
Espérons que le Conseil d’État – ou le Tribunal des conflits – aura l’occasion de sonner rapidement le glas d’une telle jurisprudence, d’autant que celle-ci émane d’une juridiction en première ligne sur le contentieux disciplinaire des fédérations délégataires.
- Cette décision fera l’objet d’un commentaire plus détaillé dans un prochain numéro de cette revue.
[CAA Paris, 21 mars 2022, no 21PA00916]