C’est l’histoire d’un transfert dans le monde merveilleux du football professionnel. Une histoire parmi tant d’autres, à ceci près que celle-ci a donné lieu à pas moins de six décisions de justice, dont deux arrêts de la Cour de cassation publiés au Bulletin !
Les faits remontent à juin 2013. M. X., titulaire de la licence d’agent sportif de la Fédération française de football et exerçant son activité par l’intermédiaire d’une société, prend contact avec le directeur général de l’AS Saint-Étienne en vue d’organiser, par le biais d’un « mandat de vente » qui lui serait confié, le transfert du joueur Pierre-Emerick Aubameyang vers un club européen.
Par courriel du 27 juin 2013, le directeur général confie à M. X. le mandat de négocier pour le compte du club le transfert du joueur vers le club allemand du Borussia Dortmund jusqu’au 29 juin 2013 à minuit, moyennant une commission égale à 5 % de l’indemnité de mutation éventuellement majorée de 15 % de la survaleur supérieure à 15 millions d’euros. Dans un second courriel du 27 juin 2013, le directeur général accepte de proroger, à la demande de l’agent, la date d’expiration du mandat au 30 juin 2013 à 18 h 00.
Le 28 juin 2013, M. X. transmet à l’AS Saint-Étienne une proposition de Dortmund portant sur un transfert d’un montant de 12 millions d’euros outre des bonus conditionnels pour un montant d’un peu plus d’un million d’euros. Cette proposition est refusée par le club de Saint-Étienne.
S’ensuivent des négociations directes entre les deux clubs entre le 1er et le 4 juillet 2013 qui aboutissent à un transfert du joueur pour un montant de 13 millions d’euros et des bonus variables de 3 millions d’euros, le contrat de transfert étant antidaté au 30 juin 2013 correspondant à la fin de la saison sportive 2012/2013.
M. X. a alors demandé à l’AS Saint-Étienne le paiement d’une commission de 650 000 euros HT que le club a refusé de lui payer. C’est ainsi que débute le long périple judiciaire de l’agent sportif en quête de sa commission.
Débouté par le tribunal de commerce de Saint-Étienne (jugement du 17 juin 2015), puis par la cour d’appel de Lyon (arrêt du 10 novembre 2016), M. X. forme un premier pourvoi à l’issue duquel la Cour de cassation conclut que le contrat de mise en rapport prévu à l’article L. 222-17 du code du sport peut être valablement formé par un échange de courriels (arrêt du 11 juillet 2018).
Statuant sur renvoi, la cour d’appel de Grenoble (arrêt du 16 mai 2019) rejette toute- fois la demande de l’agent en retenant, pour l’essentiel, que celui-ci ne peut se prévaloir d’un mandat conforme à l’article du code du sport susvisé. Nouveau pourvoi et nouveau succès pour l’agent (arrêt du 7 octobre 2020).
Cette fois, la Cour de cassation indique que si le contrat d’agent sportif établi, comme en l’espèce, sous la forme électronique doit être revêtu d’une signature électronique, l’absence d’une telle signature, alors que ne sont contestées ni l’identité de l’auteur du courriel ni l’intégrité de son contenu, peut être couverte par une exécution volontaire du contrat en connaissance de la cause de nullité, valant confirmation au sens de l’article 1338 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance no 2016-131 du 10 février 2016.
La Haute Cour ayant confirmé la validité du « mandat » confié à M. X., ce dernier pouvait espérer, devant la seconde cour d’appel de renvoi, obtenir enfin le paiement de sa commission. Que nenni !!
Par l’arrêt signalé, la cour d’appel de Montpellier le déboute en effet de sa demande au motif qu’à la date d’expiration du « mandat », fixée au 30 juin 2013 à 18 h 00, la négociation entre les deux clubs en vue du transfert du joueur n’avait pas abouti, aucun accord de principe n’ayant été arrêté quant au montant du transfert. La cour ajoute que M. X. n’était pas titulaire d’un mandat exclusif qui aurait empêché l’AS Saint-Étienne de poursuivre la négociation avec le club allemand, et que le montant de transfert finalement arrêté a été bien supérieur à celui correspondant à la proposition transmise par l’agent.
La cour fait ainsi une application stricte du principe selon lequel « les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites » (anc. art. 1134, auj. C. civ., art. 1103). Une décision bien sévère pour l’agent après huit ans de procédure, surtout que celui-ci avait initié la mise en rapport des deux clubs.
[Montpellier, 2 nov. 2021, no 20/04388]