Saisie d’un litige entre l’URSSAF et une association sportive portant sur le travail dissimulé de « bénévoles » et de sportifs, une cour d’appel est tenue d’appeler ces derniers dans la cause sous peine de violer le principe du contradictoire visé à l’article 14 du code de procédure civile. Tel est l’enseignement d’un arrêt rendu par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation le 25 novembre 2021.
Le 16 juillet 2003, la gendarmerie et l’URSSAF ont procédé conjointement à un contrôle de la SARL Concept X… Organisation (CFO) et de l’association moto club de Boade, association affiliée à la Fédération française de motocyclisme.
Ces deux structures, domiciliées à la même adresse et ayant le même dirigeant, organisaient des manifestations de motocyclisme payantes ouvertes au public, l’association étant chargée de recruter les personnels bénévoles nécessaires à la bonne organisation sportive de ces manifestations, alors que la société assurait leur promotion, encaissait le prix des billets et des sommes versées par les sponsors et annonceurs, et assurait la coordination de l’organisation.
À la suite de ce contrôle, l’URSSAF a redressé l’association pour travail dissimulé dans le cadre de deux procédures distinctes ayant abouti à deux contraintes (titres exécutoires) pour des montants respectivement de 20 641 euros et 590 759 euros.
L’association a contesté ces contraintes.
Par un arrêt du 22 janvier 2020, la cour d’appel d’Aix-en-Provence a annulé la première contrainte au motif que la lettre d’observations de l’URSSAF était insuffisante pour permettre de caractériser une situation de travail dissimulé. Elle a en revanche validé la seconde pour les infractions de travail dissimulé concernant les « bénévoles » et les pilotes participant aux manifestations.
Pour confirmer le travail dissimulé des « bénévoles », la cour d’appel retient pour l’essentiel que ces derniers ont été recrutés pour exercer des tâches quasiment professionnelles, après une sélection faite par le président de l’association qui était également le dirigeant de la société commerciale CFO, et au profit de cette dernière, qu’ils accomplissaient des tâches qui auraient pu être confiées à des professionnels salariés, et enfin que les remboursements de frais transmis à l’URSSAF étaient inexploitables.
S’agissant des pilotes, la cour relève que l’association n’avait fourni aucune pièce permettant de conforter ses affirmations selon lesquelles leurs interventions s’inscrivaient dans le cadre de contrats les liant à tel ou tel club ou écurie, et que les courses de moto organisées par l’association se déroulant à grand renfort de publicité et faisant appel à un large public, dans un contexte festif et musical, doivent être qualifiées de « sport-spectacle », de sorte qu’à défaut de preuve que ces pilotes auraient été enregistrés, pour ces activités, au registre du commerce, il y a lieu d’appliquer la présomption de salariat découlant des articles L. 7121-3 du code du travail et L. 311-3-15° du code de la sécurité sociale, les frais remboursés aux intéressés étant considérés comme des salaires déguisés1.
En cassation, l’association obtient l’annulation de cette décision en soulevant un moyen portant sur la violation de l’article 14 du code de procédure civile. Il résulte de ce texte que nul ne peut être jugé sans avoir été entendu ou appelé.
Ainsi, conformément à sa jurisprudence2, la Cour de cassation estime qu’en statuant comme elle l’a fait, « sans qu’aient été appelés en la cause les bénévoles et coureurs intéressés, alors qu’elle était saisie d’un litige portant sur la qualification des relations de travail liant ces derniers à l’association », la cour d’appel a violé le texte susvisé.
Il est vrai que, même si les personnes concernées sont des tiers à la procédure menée par l’URSSAF, elles n’en sont pas moins intéressées dans la mesure où cette procédure peut avoir une incidence sur leur situation juridique (qualification de salariat entraînant leur affiliation au régime général de sécurité sociale).
[Civ. 2e, 25 nov. 2021, no 20-14.759]
L’art. L. 222-2-11 du code du sport, issu de la loi no 2015- 1541 du 27 nov. 2015, qui pose une présomption de non-salariat du sportif professionnel qui participe pour son propre compte à une compétition sportive, n’était pas applicable à l’époque du redressement en cause.
V. notamment, à propos d’un litige portant que la qualification des relations de travail entre des coureurs cyclistes et une association : Civ. 2e, 29 nov. 2018, no 17-19.242.