Chaque mois le CDES vous propose dans Jurisport l’expression d’un point de vue sur un sujet d’actualité du secteur du sport !
Pour ce numéro, retrouvez Jean-Pierre Karaquillo, Directeur scientifique, professeur émérite CDES, Université de limoges et Franck Lagarde, CDES.
Rêvons à une régulation juridique appropriée de l'activité d'intermédiaire sportif
Une régulation juridique de l’activité d’intermédiaire sportif, en tant que profession réglementée, est-elle réaliste ?
De nombreux acteurs institutionnels du sport, tels des pouvoirs publics nationaux ainsi que d’imposantes fédérations sportives internationales, l’ont jugé nécessaire. Mais sa mise en œuvre s’avère délicate dès lors que l’ambition est d’encadrer par des textes nationaux de portée circonscrite à un territoire ou par des règlements de fédérations sportives internationales uniquement applicables à chaque discipline considérée, une pratique universelle sans réelles frontières, éparpillée, plus ou moins ouvertement, dans la quasi-totalité des sports où se sont installées des relations contractuelles de travail rémunérées entre sportifs, entraîneurs sportifs et bénéficiaires de leurs services.
L’expérience française qui découle de la réglementation de l’accès et de l’exercice de l’activité d’intermédiaire du sport, dont l’application est déléguée aux fédérations sportives nationales et, en partie, au Comité national olympique et sportif français, en constitue une puissante expression.
Que constate-t-on en effet ? Assurément une tenace volonté, depuis 1992, du législateur français à façonner méthodiquement et à petits pas, en 2000, 2010, 2011, 2012, 2017, un dispositif visant à moraliser une telle pratique. Et, aussi, cependant malgré cela, le déploiement et la fermeté des ressentiments des intermédiaires sportifs, licenciés conscients de leurs devoirs professionnels, de même que des désenchantements latents des membres des commissions fédérales nationales d’agents sportifs en présence des failles et des dérives, pour eux, incontrôlables, en vue de mener à bien les tâches qui leur sont dévolues.
Qu’espérer alors ? Certainement, à l’avenir, idéalement, une coopération entre les gouvernements des États et le Mouvement sportif international, en vue de réglementer, pertinemment, ce phénomène transnational qu’est l’activité d’intermédiaire du sport. Pour ce faire, en l’adaptant aux situations particulières relatives au recrutement par les clubs des sportifs – joueurs et entraîneurs – le système et les procédures, construits par étapes, avec minutie, pour lutter contre le dopage ne peuvent être qu’inspirants.
Il reste qu’en attente, pour l’heure, s’impose une concertation active entre les ministères chargés des Sports, de la Justice et des Finances et le mouvement sportif français. Démunies en moyens humains et en moyens opérationnels décisifs afin de réaliser les missions que leur ont confiées les autorités ministérielles chargées des sports, les commissions fédérales d’agents sportifs n’ont pas d’atouts suffisants pour satisfaire à la finalité de leurs fonctions. En effet, seuls les intermédiaires sportifs licenciés, les joueurs, les entraîneurs, les dirigeants juridiquement rattachés aux fédérations sportives nationales dont ils dépendent relèvent de leur pouvoir disciplinaire. Pour les autres, divers et nombreux qui s’intègrent, anarchiquement et abusivement, dans la sphère de l’intermédiation sportive, les fédérations sportives sont désarmées. Il est pourtant vital que le ministère de la Justice leur «prête main», notamment en nommant un Procureur général affecté aux affaires du sport et en sollicitant des délégations spéciales de Tracfin par le ministère de l’Économie et des Finances.
À défaut, il est à craindre que « la régulation à la française » de l’activité d’intermédiaire sportif demeure ni apaisante ni sécurisante et que les tensions et les sentiments d’impuissance qui se développent donnent naissance à une dérégulation de fait partielle et, qu’en définitive, se trace inexorablement la route d’une dérégulation de l’activité d’intermédiaire du sport.