Chaque mois le CDES vous propose dans Jurisport l’expression d’un point de vue sur un sujet d’actualité du secteur du sport !
Pour ce numéro, retrouvez Christophe Lepetit, responsable des études économiques au CDES Limoges.
Qatar 2022, Arabie saoudite 2029 : jusqu’où ira-t-on ?
2 décembre 2010 : Sepp Blatter, alors président de la FIFA, dévoile que la Coupe du monde masculine de football 2022 sera organisée au Qatar, pays de la péninsule arabique certes (très) riche mais ne disposant alors d’aucune infrastructure sportive (stades) et non sportive (hébergements par exemple) permettant une telle organisation.
31 juillet 2015 : malgré des pénuries d’eau alors record, des avancées minimes sur le sujet du respect des droits de l’Homme depuis la tenue des Jeux d’été 2008 et le fait que 100 % de la neige sur laquelle se déroulera une partie des épreuves au programme soit artificielle, le Comité international olympique décide d’attribuer les Jeux d’hiver 2022 à Pékin.
4 octobre 2022 : alors que l’on pensait révolue l’époque des attributions à des États à l’éthique douteuse et à la conscience environnementale proche du néant, le Conseil olympique d’Asie octroie les Jeux asiatiques d’hiver 2029 à la ville de Trojena en Arabie saoudite… une destination qui à ce jour n’existe pas !
À travers ces trois dates-clés, on s’aperçoit que le sport continue, avec une complicité coupable, à se faire instrumentaliser par des États ou villes hôtes au moment d’attribuer ses « bijoux de famille ». Doit-on craindre de voir un jour l’Afghanistan des Talibans, la Corée du Nord de Kim Jong-un, la Turquie de Recep Tayyip Erdogan et la Hongrie de Viktor Orban obtenir l’organisation d’une grande compétition internationale ?
Certes, ces attributions peuvent s’expliquer notamment par la volonté de s’ouvrir à toutes les zones du monde et de rendre les grands évènements accessibles à tous les territoires. Mais elles ont aussi des contreparties moins agréables, particulièrement visibles et audibles ces dernières semaines : réactions politiques (plus au moins opportunistes), questionnements médiatiques, critiques d’ONG voire rejet populaire.
Que faut-il penser de tout cela ?
Non, il n’est pas question de réserver ces grandes compétitions aux pays occidentaux dont certains sont eux-mêmes assez peu vertueux. Oui, on ne peut nier le fait que les grands évènements sportifs internationaux puissent – parfois – être de puissants « accélérateurs de particules » permettant d’impulser de vastes projets de transformation sur les plans urbain, social, économique voire environnemental. Non, se révolter des conditions de travail déplorables et du sort réservé aux travailleurs étrangers ayant œuvré sur les chantiers de la Coupe du monde au Qatar ou sur la gabegie environnementale que représente cette compétition ne signifie pas que l’on fasse preuve d’ethnocentrisme. Oui, on veut bien admettre et assumer une part « d’émotion » en écrivant ces lignes, émotion justifiée par les craintes que suscitent chez nombre d’entre nous, le changement climatique et la trajectoire totalement délirante que nous suivons en matière de réchauffement.
Ce préalable posé, il nous semble que les organisations sportives devront prochainement prendre des décisions structurantes au sujet des grands évènements sportifs internationaux, celles-ci pouvant aller de leur remise en question pure et simple, au moins dans leurs formats actuels, en passant par une rénovation profonde de leur modèle.