Les articles L. 1242-13 du code du travail et L. 1245-1 du même code, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance no 2017-1387 du 22 septembre 2017 (l’une des ordonnances « Macron »), énoncent que le contrat de travail à durée déterminée (CDD) doit être transmis au salarié au plus tard dans les deux jours ouvrables suivant l’embauche et que le non-respect de cette formalité est sanctionné par une requalification en contrat de travail à durée indéterminée (CDI).
Dans l’affaire signalée, la Cour de cassation vient rappeler, au visa de ces dispositions, que la sanction de requalification en CDI ne peut être sollicitée, sauf fraude, que par le salarié lui-même.
Un joueur de rugby professionnel est employé en CDD par la société USAL rugby, club évoluant alors en Fédérale 1, pour la période du 4 juillet 2017 au 30 juin 2018. Le 11 avril 2018, le tribunal de commerce ouvre une procédure de redressement judiciaire à l’encontre du club, procédure convertie en liquidation judiciaire par un jugement du 13 juin 2018. Le lendemain, le liquidateur notifie au joueur la rupture anticipée de son contrat de travail. Le joueur saisi alors le conseil de prud’hommes de Limoges afin de voir fixer au passif de son employeur diverses indemnités, notamment des dommages et intérêts pour rupture abusive de son contrat, la liquidation judiciaire de l’employeur ne constituant pas un cas de rupture anticipée du CDD prévu par l’article L. 1243-1 du code du travail.
La cour d’appel de Limoges, dans un arrêt du 8 mars 2021, estime que le CDD doit être requalifié en CDI au motif qu’il n’a pas été transmis au salarié dans le délai de deux jours ouvrables suivant son embauche, et que le joueur ne peut dès lors prétendre à un dédommagement au titre d’une rupture abusive du CDD, mais seulement à une indemnité de requalification (un mois de salaire) en application de l’article L. 1245-2 du code du travail, à une indemnité compensatrice de préavis (un mois de salaire) en application de l’article L. 1234-5 du même code et à une indemnité de congés payés afférents.
Cette décision est logiquement censurée par la Cour de cassation qui rappelle que, sauf fraude à la loi, seul le salarié est en droit de solliciter la requalification de son CDD en CDI. Par conséquent, les juges d’appel ne pouvaient pas requalifier le contrat litigieux à la demande du liquidateur judiciaire.
Statuant au fond, la haute Cour fixe ainsi au passif de la liquidation judiciaire une somme correspondant aux dommages et intérêts pour rupture anticipée du CDD, l’assurance de garantie des salaires (AGS) étant tenue de garantir cette somme.
Deux observations pour conclure.
La première pour souligner que, depuis l’entrée en vigueur de l’article L. 1245-1 du code du travail dans sa version issue de l’ordonnance Macron du 22 septembre 2017, la transmission tardive du CDD au salarié n’est plus sanctionnée par une requalification. Elle ouvre simplement droit, pour le salarié, à une indemnité qui ne peut être supérieure à un mois de salaire. En l’espèce, le CDD ayant été conclu antérieurement, ces dispositions n’étaient pas applicables.
La seconde pour rappeler que, contrairement au principe posé à l’article L. 1245-1 du code du travail, l’article L. 222-2-8 du code du sport prévoit toujours la requalification en CDI en cas de transmission tardive du CDD dit « spécifique », CDD auquel les clubs ont recours pour l’emploi des sportifs et entraîneurs professionnels. La loi spéciale dérogeant à la loi générale, c’est bien le code du sport qui, pour ces emplois, doit s’appliquer. Ainsi, la transmission du CDD au plus tard dans les deux jours ouvrables suivant l’embauche du joueur ou de l’entraîneur demeure une formalité essentielle pour les clubs employeurs.
Franck LAGARDE
[soc. 23 nov. 2022, no 21-16.221]