ACTU | ÉCONOMIE : La Super Ligue a fait long feu

par Gallot

Le 18 avril 2021, douze des plus grands clubs européens de football (6 anglais, 3 espagnols et 3 italiens) annoncent la créa­tion imminente d’une nouvelle compéti­tion supranationale en Europe : la Super Ligue. Celle-ci, régie par ses clubs fonda­teurs, viendrait concurrencer les compéti­tions organisées par l’UEFA. Ladite compé­tition opposerait ainsi les 12 clubs fonda­teurs, bientôt rejoints par 3 autres clubs résidents, et 5 clubs qui seraient invités. Au contraire des compétitions organisées par l’UEFA dans lesquelles la présence des clubs est conditionnée par les résultats sportifs obtenus dans les compétitions nationales, les 15 clubs résidents seraient assurés de participer à la Super Ligue. C’est donc une compétition supranationale fermée dont il est question.

Rappelons en effet qu’une ligue fermée supranationale se caractérise par un accès à la compétition qui ne dépend pas exclusivement des résultats sportifs obtenus dans les compétitions domestiques à l’occasion de la saison précédente.

Un lancement en réponse à la réforme de la Ligue des champions

Cette annonce intervint la veille de la présen­tation par le comité exécutif de l’UEFA de la nouvelle formule de la Ligue des cham­pions, qui concerne les compétitions à partir de la saison 2024/25. Cette nouvelle formule « fruit d’une vaste consultation au sein de la famille du football » d’après l’UEFA, communiquée depuis et connue des fonda­teurs de la Super Ligue, prévoit notamment d’augmenter le nombre de clubs participant (de 32 à 36), et le nombre de matchs disputés dans la première phase qualificative. C’est là un des principaux noeuds de tension justifiant l’envie de sécession de certains grands clubs, ceux-ci étant favorables à un resserrement de l’accès à la compétition à un plus petit nombre de clubs afin de ne pas multiplier les matchs qu’ils jouent contre des équipes de niveau supposé infé­rieur. S’opposent ici la volonté de ces clubs de maximiser les revenus générés par cette compétition et la nécessité pour l’UEFA de satisfaire l’ensemble des parties prenantes du football européen, qui ne se résume pas aux 15 clubs en question. Les tensions ne sont pas nouvelles, les premiers projets de créa­tion d’une ligue concurrente organisée par une structure privée marchande étant nés dès les années 90 à l’initiative d’un groupe appelé Media Partners.

Un objectif avant tout économique

La conjoncture compliquée à laquelle fait face le football européen, liée à la covid-19, qui creuse les déficits en diminuant les revenus générés par les clubs, a participé à l’accélération des discussions entre les grands clubs. Ceux-ci voient en la Super Ligue la possibilité d’augmenter substan­tiellement les revenus, en créant un format de compétition supposé plaire aux fans et aux financeurs. La banque J.P. Morgan était ainsi associée au projet et s’était engagée à avancer une somme de 3,5 milliards d’euros, qui permettait notamment de prévoir un « bonus de bienvenue » compris entre 200 et 300 millions d’euros aux clubs participants. En comparaison, le Paris Saint-Germain a reçu 132 millions d’euros pour sa participation et ses performances en Ligue des champions en 2020…

Opposition généralisée

C’est pourtant immédiatement un torrent d’oppositions qu’a suscité l’annonce du lancement de cette compétition. Des oppositions venues de toutes parts : des institutions du football (UEFA, FIFA, FIFPro, différentes ligues nationales), de responsables politiques (le président de la République française, le Premier ministre britannique, un vice-président de la Commission européenne, etc.), des acteurs du football (joueurs, entraîneurs, supporters, etc.), les réseaux sociaux ampli­fiant le phénomène. Le projet est ainsi jugé cynique et contraire aux valeurs du modèle européen du sport. Suite à ces réactions unanimes et très fortes, les six clubs anglais se retirent du projet dès le 20 avril, deux jours après l’annonce du lancement, suivis d’autres les jours suivants, tuant dans l’oeuf cette Super Ligue. Encore un projet de sécession qui fait long feu…

 

Jean François Brocard

[https://www.uefa.com ;
https://thesuperleague.fr]

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