Pour exercer légalement l’activité d’agent sportif en France, il faut en principe être titulaire d’une licence d’agent sportif délivrée par la fédération délégataire compétente (C. sport, art. L. 222-7).
Les ressortissants des États membres de l’Union européenne (UE) ou des États parties à l’accord sur l’Espace économique européen (EEE) bénéficient toutefois d’un régime particulier. Ceux qui souhaitent exercer cette activité en France de manière temporaire et occasionnelle peuvent ainsi obtenir, après déclaration auprès de la fédération, une autorisation d’exercice au titre de la libre prestation de services. Quant à ceux qui souhaitent s’établir en France pour y exercer cette activité de manière permanente, ils peuvent se voir délivrer une licence d’agent sportif par équivalence (c’est-à-dire sans avoir à passer l’examen) en application du principe de libre établissement (C. sport, art. L. 222-15 et R. 222-22 s.).
Le législateur a par ailleurs prévu un dispositif spécifique pour les personnes ressortissantes d’un État qui n’est pas membre de l’UE ou de l’EEE. Celles-ci peuvent passer une « convention de présentation » avec un agent sportif autorisé qui sera l’interlocuteur du club français pour le placement du joueur1, cette convention devant être transmise à la fédération délégataire compétente (C. sport, art. L. 222-16).
Une personne enregistrée comme intermédiaire auprès de la Fédération anglaise de football, de nationalité franco-malienne et résidant en Angleterre, peut-elle bénéficier de ce dispositif spécifique ? Tel était la question au cœur de l’affaire signalée.
Les faits remontent à 2021. L’intéressé conclut deux conventions de présentation avec un agent titulaire de la licence d’agent sportif de la Fédération française de football (FFF) aux fins de collaborer en vue du placement de joueurs professionnels auprès de clubs français.
La FFF refuse d’enregistrer ces deux conventions au motif que l’agent franco-malien ne pouvait prétendre, étant donné sa nationalité française, au bénéfice des dispositions de l’article L. 222-16 précité. Après un passage infructueux au CNOSF (le conciliateur a proposé de s’en tenir aux décisions contestées), les deux agents saisissent le tribunal administratif de Paris d’un recours en annulation.
Le tribunal rejette ce recours. Selon lui, la FFF pouvait se fonder sur la seule nationalité française de l’intéressé pour refuser d’enregistrer les conventions litigieuses, le terme de « ressortissant » visé à l’article L. 222-16 du code du sport ne pouvant, en l’espèce, donner lieu à interprétation.
Le tribunal estime par ailleurs que les requérants ne peuvent utilement se prévaloir des dispositions du droit de l’UE (plus précisément de l’article 56 du traité sur le fonctionnement de l’UE, de la directive 2006/123/ CE du 12 déc. 2006 relative aux services dans le marché intérieur, et de la directive 2013/55/UE du 20 nov. 2013 modifiant la directive 2005/36/CE du 7 sept. 2005 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles), pour soutenir que le principe de libre prestation de services aurait été méconnu. En effet, l’intéressé n’était pas résident d’un État membre de l’UE ou d’un État partie à l’accord sur l’EEE (en 2021, le Royaume-Uni ne faisait plus partie de l’UE).
Le tribunal rejette enfin l’argument d’une violation du principe de non-discrimination prévu à l’article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme (CEDH). Ce principe ne concerne en effet que la jouissance des
droits et libertés reconnus par la CEDH et ses protocoles additionnels. Or, les requérants n’apportent aucune précision sur le droit ou la liberté, reconnu par la convention, dont la jouissance aurait été affectée par la discrimination alléguée.
Les agents ont interjeté appel de ce jugement. À voir donc si la cour administrative d’appel de Paris aura la même lecture du litige que les premiers juges…
Franck Lagarde – [TA Paris, 17 juill. 2023, n°138485]