ACTU | JURISPRUDENCE : L’article L.212-9 du code du sport est-il conforme à la Constitution ?

par Gallot

Il est assez rare que la Cour de cassation ou le Conseil d’État renvoie au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) portant sur une disposition législative du code du sport. La décision rendue par le Conseil d’État le 12 février 2021 mérite en cela d’être signalée.

L’affaire concerne un éducateur sportif qui, après avoir été condamné à une modeste peine d’amende de 400 euros pour le délit prévu à l’article L. 235-1 du code de la route (conduite sous l’emprise d’une substance ou plante classée comme stupéfiant), s’est vu retirer sa carte professionnelle par le préfet de Seine-Saint-Denis sur le fondement de l’article L. 212-9 du code du sport.
Pour rappel, cette disposition prévoit que nul ne peut exercer les fonctions visées à l’article L. 212-1 du code du sport (enseignement, animation, encadrement d’une activité physique ou sportive ou entraînement de ses pratiquants), à titre rémunéré ou bénévole, s’il a fait l’objet d’une condamnation pour certaines infractions pénales (dont celle visée ci-dessus et qui figure au 7° de l’article L. 212-9).

Interdit d’exercer son activité professionnelle de « coach sportif », l’intéressé a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Montreuil aux fins d’obtenir la suspension de cette décision préfectorale. Ce dernier ayant rejeté sa demande et refusé de transmettre au Conseil d’État la question de la conformité à la Constitution de l’article L. 212-9 du code du sport, il a formé un pourvoi devant le Conseil d’État, pourvoi dans lequel il fait reproche au juge des référés d’avoir commis une erreur de qualification en refusant de transmettre la QPC.
Selon lui, en instituant une incapacité professionnelle automatique et perpétuelle d’exercice de la profession d’éducateur sportif du fait de condamnations pénales, sans prise en compte de la gravité des condamnations ni des conditions d’exercice des fonctions, l’article L. 212-9 susvisé porte une atteinte injustifiée et manifestement disproportionnée à la liberté d’entreprendre.
Le Conseil d’État lui donne raison. Il estime que les conditions de recevabilité de la QPC sont réunies en l’espèce. Les hauts magistrats relèvent ainsi, d’une part, que les dispositions de l’article L. 212-9 7° du code du sport n’ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution, d’autre part, que le juge des référés a commis effectivement une erreur de qualification en estimant que la question de la proportionnalité des atteintes que ces dispositions portent à la liberté d’entreprendre, qui découle de l’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, était dépourvue de caractère sérieux.

Il n’est évidemment pas certain que les dispositions en cause seront jugées contraire à la Constitution par le Conseil constitutionnel. Toutefois, si cela venait à être le cas, il en résulterait une fragilisation du dispositif législatif sur les incapacités d’exercice attachées à la profession d’éducateur sportif. Le législateur s’en trouverait dans l’obligation de modifier la loi pour tempérer sa rigueur actuelle.

Il est vrai que si certaines condamnations peuvent éventuellement justifier une interdiction perpétuelle d’enseigner ou d’encadrer une activité physique ou sportive, y compris à titre bénévole, il en est d’autres pour lesquelles cette sanction apparaît effectivement disproportionnée…

Toujours est-il que le Conseil d’État, réglant l’affaire au titre de la procédure de référé engagée, considère que le requérant est fondé à solliciter la suspension de l’exécution de la décision litigieuse. Outre la condition d’urgence, satisfaite dès lors que ladite décision a pour effet d’empêcher l’intéressé d’exercer son activité professionnelle et de le priver de sa seule source de revenus, le Conseil d’État relève que le moyen tiré de ce que les dispositions du 7° de l’article L. 212-9 du code du sport portent une atteinte disproportionnée à la liberté d’entreprendre est de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée.

 

Franck LAGARDE

[CE 12 févr. 2021, n° 443673]

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