La mort de l’acteur Gaspard Ulliel, le 19 janvier dernier, dans la station de la Rosière en Savoie, a mis une nouvelle fois en lumière la dangerosité de la pratique du ski alpin.
Au-delà des statistiques et des drames humains, les accidents de ski alimentent un abondant contentieux, principalement devant les juridictions judiciaires. Illustration avec l’affaire signalée.
Le 4 mars 2016, un jeune garçon est grièvement blessé après avoir chuté sur une piste bleue de la station de Val Cenis (situé également en Savoie), alors qu’il suivait un cours dispensé par un moniteur stagiaire employé par l’Union nationale des centres sportifs de plein air (UCPA). Quelques semaines auparavant, ses parents l’avait inscrit à un stage de ski proposé par l’association UCPA sport vacances.
Les parents ont fait assigner l’UCPA et son assureur en responsabilité. Par la suite, l’UCPA a appelé en garantie la société d’économie mixte du Mont Cenis, en charge des remontées mécaniques et du service des pistes.
La cour d’appel de Paris confirme le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Paris en ce que celui-ci a retenu la responsabilité de plein droit de l’UCPA sur le fondement de l’article L. 211-16 du code du tourisme et condamné la société Mont Cenis à garantir l’UCPA de toutes condamnations mises à sa charge du fait de l’accident.
En premier lieu, la cour constate que le séjour proposé par l’UCPA répond à la définition d’un « forfait touristique » dès lors qu’il comprenait le transport, l’hébergement, la pension complète, le forfait de ski ainsi que des séances encadrées en groupe (C. tourisme, art. L. 211-2). Elle précise que l’UCPA est inscrite au registre des opérateurs de voyages et de séjours et qu’il importe peu qu’elle doive également se soumettre, en application de l’article L. 227-4 du code de l’action sociale et des familles, à la réglementation spécifique sur les accueils collectifs de mineurs.
La cour en déduit que l’article L. 211-16 du code du tourisme est bien applicable. Pour rappel, ce texte énonce que toute personne physique ou morale qui se livre aux opérations de production ou de vente de forfaits touristiques est responsable de plein droit à l’égard de l’acheteur de la bonne exécution des obligations résultant du contrat, que ce contrat ait été conclu à distance ou non et que ces obligations soient à exécuter par elle-même ou par d’autres prestataires de services, sans préjudice de son droit à recours contre ceux-ci et dans la limite des dédommagements prévus par les conventions internationales. L’opérateur de voyage peut toutefois s’exonérer de tout ou partie de sa responsabilité en apportant la preuve que l’inexécution ou la mauvaise exécution du contrat est imputable soit à l’acheteur, soit au fait, imprévisible et insurmontable, d’un tiers étranger à la fourniture des prestations prévues au contrat, soit à un cas de force majeure.
Dans un second temps, la cour confirme que la société gestionnaire des pistes a commis une faute à l’origine du dommage et qu’elle doit par conséquent sa garantie à l’UCPA. Elle relève pour ce faire que l’accident s’est produit à un endroit de la piste présentant une certaine dangerosité en raison d’un virage prononcé, en épingle, et d’un dénivelé important entre l’amont et l’aval du virage. Il est reproché à la société de ne pas avoir pris les mesures de protection appropriées pour prévenir le danger constitué par un bourrelet de neige qui s’était formé en bordure de piste en raison des passages répétés d’usagers coupant le virage. Selon la cour, la société du Mont Cenis aurait dû installer à cet endroit des filets de protection plutôt qu’un simple balisage avec des jalons jaune et noire.
Les juges ne sont pas toujours aussi sévères à l’égard de l’exploitant. Ainsi, dans une autre décision datée du même jour, et qui concernait là encore un grave accident de ski, la cour d’appel de Montpellier a jugé que « l’exploitant d’un domaine skiable n’a pas l’obligation de protéger par des filets ou des dispositifs d’amortissement tous les arbres qui bordent naturellement les pistes, sauf à ce que des circonstances particulières rendent un tel dispositif indispensable pour la sécurité des usagers »1.
Franck LAGARDE
[Paris, 12 mai 2022, no 19/14671]
- Aix-en-Provence, 15 mai 2022, no 21/06281.