Chaque mois le CDES vous propose dans Jurisport l’expression d’un point de vue sur un sujet d’actualité du secteur du sport !
Pour ce numéro, retrouvez Jean-Pierre Karaquillo, Directeur scientifique professeur émérite CDES, Université de limoges.
L’espoir de survie des principes fondamentaux (vitaux) du mouvement sportif institutionnalisé universel
Les amoureux du sport dont les gênes ont été, dans la naissance de leur personnalité, colonisés par le sport et qui, enveloppés dans différentes tuniques en ont constamment été – et en sont toujours – des acteurs engagés, sont aujourd’hui intoxiqués par des frissons d’inquiétude, voire d’amertume, à l’observation de l’escalade effrénée de quelques-uns vers des pouvoirs égoïstes et vers, principalement, des objectifs financiers démesurés dans l’organisation, le fonctionnement et la pratique des activités sportives au sein d’instances fédérales mondiales et européennes et de clubs. Ces tenants du pouvoir pour ses attraits de puissance, et du toujours plus économique n’ont pas dans leurs préoccupations premières l’équilibre, l’équité, la sincérité des compétitions, la solidité du lien entre le sport professionnel et le sport amateur, la méritocratie sportive. La formation sportive, scolaire, citoyenne et civique des sportifs n’est, également pour eux, que complaisances ou compassions. La liberté de la concurrence, la liberté d’entreprise, la liberté contractuelle sans nuance sont leurs complices. Et pourtant, ce sont ces principes fondamentaux de la lex sportiva qui sont la charpente et les graines de la spécificité de l’organisation, du fonctionnement et de l’exercice de la pratique sportive derrière laquelle se rassemble la quasi-totalité des acteurs du sport. L’abandon de ses principes serait-il acceptable ?
Malgré l’indifférence de beaucoup, la désinvolture d’autres, la peur irraisonnée ou l’intérêt aléatoire de serviteurs qui guident la domination de certains dirigeants égocentriques, pour l’heure heureusement isolés, n’est-il pas permis de croire à des souffles d’espoirs vivificateurs de ces principes constitutifs de l’ordre public du sport ?
Qui par exemple, peut nier que la lutte contre le dopage actée par les gouvernements des États et le mouvement sportif international a pour but la préservation de la loyauté des compétitions ? Qui peut ignorer que plusieurs États intègrent dans leurs législations des textes inspirés par les instances fédérales internationales et (ou) nationales (sur l’aide et le contrôle de la gestion financière, sur la prévention des conflits d’intérêts, sur la prédominance des associations supports des sociétés sportives, …) afin de limiter les effets néfastes du « libéralisme ouvert à tous vents » ? Qui ne sait qu’entre la Commission européenne et des fédérations internationales s’est instauré un langage commun de compréhension et de sauvegarde des intérêts essentiels de chacun ? Qui ne voit que, dans un cheminement analogue, des juridictions suprêmes, la Cour de justice de l’Union européenne, la Cour européenne des droits de l’homme n’hésitent pas, après en avoir décrypté l’identité et l’importance, à promouvoir les principes vitaux des activités sportives compétitives en exerçant un contrôle de proportionnalité extrêmement relâché ? Sans doute est-il indispensable qu’avec l’appui des institutions publiques du sport, les dirigeants des fédérations sportives nationales, continentales et internationales, accompagnés par les partenaires sociaux du sport fassent preuve d’imagination collective en vue de ne pas insatisfaire les objectifs raisonnables de tous.
Mais si ces espoirs devaient s’avérer illusoires une large majorité d’acteurs du sport constateraient, rapidement, avec regret, que l’activité sportive compétitive est en voie de devenir seulement un moyen au service de finalités économiques.