ACTU | ECONOMIE | Le marché des droits TV en ébullition

par Gallot

L ’attribution des droits de plusieurs compétitions de football ces dernières semaines a profondément rebattu les cartes du paysage audiovisuel sportif français, en particulier pour le marché de la télévision payante. Point sur les forces en présence.

 Retour fracassant pour Canal +

Considérée comme la grande perdante de l’appel d’offres de la L1 (aucun lot obtenu), Canal+ a effectué un magnifique rebond en quelques mois. Elle a successivement repris à RMC Sport l’intégralité des droits de la Premier League sur la période 2019/2022, puis les deux meilleures affiches de la Ligue des Champions, puis la meilleure affiche et les finales de l’Europa League ou de l’UEFA Conference League (la 3e compétition interclubs lancée par l’UEFA) sur la période 2021/2024. Enfin, la chaîne dirigée par Maxime Saada a noué un accord avec beIN Sports prévoyant, d’une part, la sous-licence par le groupe qatari des deux rencontres de L1 sur le cycle 2020/2024 et, d’autre part, la distribution exclusive de beIN par Canal+! Alors que l’on pouvait lui prédire un avenir de simple agrégateur et distributeur de contenus sportifs, Canal+ s’est donc à nouveau imposé comme l’un des acteurs majeurs avec lequel les autres, Mediapro en tête, vont devoir composer. Un retour qui n’est toutefois pas sans risque, le coût de ces différentes opérations pouvant être évalué à 745 millions d’euros hors accord de distribution de beIN Sports.

beIN Sports vers l’équilibre budgétaire ?

Si la revente de la L1 à Canal+ a visiblement fait l’effet d’une bombe au sein des équipes de la rédaction, cet accord permet à beIN Sports de faire rentrer 330 millions d’euros dans ses caisses. En ajoutant les apports financiers liés à l’accord de distribution exclusive par Canal+, qui reste soumis à l’approbation de l’Autorité de la concurrence, le groupe qatari réalise une opération financière particulièrement intéressante qui pourrait lui permettre d’atteindre le point mort budgétaire, toujours pas atteint après sept ans d’existence, malgré une offre globale très qualitative et un nombre d’abonnés conséquents (aux alentours de 3,4 millions). Si beIN semble avoir tiré un trait sur la L1, elle conserve malgré tout un catalogue de droits intéressants dans l’immédiat notamment avec l’obtention de l’intégralité de la Ligue des Champions, hors affiches dévolues à Canal+. Restera à voir quelle sera sa stratégie sur les prochains appels d’offres, notamment de droits de championnats étrangers pour mieux cerner leur stratégie et… leur avenir.

 Quel avenir pour RMC Sport ?

Un avenir qui s’est sérieusement assombri pour RMC Sport. Après ne pas s’être positionnée sur les droits de la L1, avoir perdu la Premier League (qu’elle continue cependant à co-diffuser avec Canal+ par le jeu d’un accord entre les deux groupes) et les compétitions européennes à compter de 2021, la chaîne devrait en effet avoir du mal à continuer d’exister en l’état dans les mois à venir. D’autant plus qu’elle reste toujours peu distribuée par les opérateurs (excepté… Canal+ qui la propose dans l’offre satellite). Une disparition pure et simple n’est ainsi pas à exclure. À moins que le groupe ne conserve sa chaîne dans une version revue à la baisse rappelant l’époque Ma Chaîne Sport.

Une stratégie floue pour Mediapro

Le groupe sino-espagnol continue de bâtir un projet de chaîne 100% foot et disposera de huit matches de L1 et de L2 et de l’ensemble des matches – hors affiches de Canal+ – de l’Europa League et UEFA Conference League. Reste toutefois à savoir si cela lui permettra d’atteindre les 4millions d’abonnés moyennant un coût évoqué par son patron Jaume Roures de 25euros mensuels. Une sacrée gageure qui laisse de nombreux experts sceptiques. D’une part car c’est un nombre d’abonnés élevé pour une offre certes qualitative mais limitée au seul football. BeIN Sports avait ainsi atteint ce nombre d’abonnés en 2018 lors de la Coupe du monde mais avec une offre multisport et un tarif bien plus agressif. D’autre part, en raison d’un rejet des consommateurs des multi-abonnements et d’un consentement à payer qui s’effrite. Si ses dirigeants ont tenté de rassurer les parties prenantes tant sur le paiement que sur l’accessibilité de l’offre aux consommateurs, il subsiste encore de nombreux flous sur la stratégie du groupe qui devront être vite levés.

Christophe LEPETIT

[https://bit.ly/36DogiD ]

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