ACTU | JURISPRUDENCE : Remise en cause du caractère non lucratif de la gestion d’une association sportive

par Gallot

Osons une brève incursion dans les arcanes du droit fiscal pour signaler cette décision rendue par la cour administrative d’appel de Bordeaux dans un litige opposant l’administration fiscale à un club de basket-ball féminin –Toulouse Métropole Basket (TMB) – plus précisément à l’association « support » de ce club, par ailleurs constitué d’une société par actions simplifiée (SAS) en charge de la gestion de l’équipe professionnelle.

L’association TMB a fait l’objet d’un contrôle fiscal portant sur la période du 1er juillet 2011 au 30 juin 2014. À l’issue de ce contrôle, l’administration a remis en cause le caractère non lucratif de la gestion de cette association et l’a assujettie à différents impôts commerciaux pour un montant global de 136 849 euros. Par un jugement du 6 juin 2019, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté la demande de l’association tendant à la décharge des impositions en litige. Ce rejet est confirmé par la cour administrative d’appel de Bordeaux aux termes d’un raisonnement susceptible d’inquiéter bon nombre de clubs sportifs associatifs.

La cour rappelle tout d’abord que les associations sportives ne sont exclues du champ de l’impôt sur les sociétés que si, d’une part, leur gestion présente un caractère désintéressé, et, d’autre part, les services qu’elles rendent ne sont pas offerts en concurrence dans la même zone géographique d’attraction avec ceux proposés au même public par des entreprises commerciales exerçant une activité identique. Toutefois, il est rappelé que même dans le cas où l’association intervient dans un domaine d’activité et dans un secteur géographique où existent des entreprises commerciales, elle reste exclue du champ de l’impôt sur les sociétés si elle exerce son activité dans des conditions différentes de celles des entreprises commerciales, soit en répondant à certains besoins insuffisamment satisfaits par le marché, soit en s’adressant à un public qui ne peut normalement accéder aux services offerts par les entreprises commerciales, notamment en pratiquant des prix inférieurs à ceux du secteur concurrentiel et à tout le moins des tarifs modulés en fonction de la situation des bénéficiaires, sous réserve de ne pas recourir à des méthodes commerciales excédant les besoins de l’information du public sur les services qu’elle offre (Instr. n° 4 H-5-06 n° 208 du 18 déc. 2006).

En l’espèce, la cour a retenu une approche rigoureuse pour caractériser l’absence de gestion désintéressée de l’association. En effet, alors même que les dirigeants de celle-ci n’ont perçu aucune rémunération, la cour conclut malgré tout à une gestion intéressée à la lumière d’un certain nombre d’éléments.

Premièrement, le fait que l’association ait dégagé, au cours de la période vérifiée, des recettes importantes lui permettant de couvrir l’ensemble de ses charges et de dégager des excédents sur les trois exercices de la période de contrôle.

Deuxièmement, le fait que diverses sommes ont été versées aux entraîneurs et aux joueuses (remboursements de frais de déplacement, prise en charge de billets d’avion pour les joueuses étrangères, mise à disposition de véhicules…). Pour la cour, en accordant ces sommes sans cause précise, «l’association doit être regardée comme ayant consenti, au profit de personnes autres que celles en faveur desquelles son activité est exercée, des avantages particuliers dont l’allocation n’est pas compatible avec une gestion désintéressée».

Troisièmement, que les contrats de plusieurs joueuses prévoyaient le versement de primes d’objectifs en fonction des résultats, ce qui, selon la cour, «tend à créer, en dépit de leur caractère non significatif, un intéressement indirect des joueuses aux recettes de l’association liées aux succès sportifs de l’équipe».

Enfin, que l’association entretient des liens capitalistiques et financiers avec la société TMB dont elle est l’associée à 97,7%, à qui elle a confié la gestion de l’activité professionnelle du club et cédé les éléments incorporels du fonds pour une somme de 190 000 euros et dont elle perçoit chaque saison une redevance […].

Bref autant d’éléments communs à de nombreuses associations supports de clubs professionnels…

Franck LAGARDE

[Bordeaux, 4 mai 2021, n°19BX0296]

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