ACTU | JURISPRUDENCE : Police de l’enseignement du sport contre rémunération

par Gallot

En France, la profession d’éducateur sportif (entendue comme l’ensei­gnement d’une activité physique ou sportive contre rémunération) est réglementée par les articles L. 212-1 et suivants et R. 212-1 et suivants du code du sport. Le contrôle de cette profession incombe à l’État qui dispose, pour ce faire, d’un pouvoir de police administrative spéciale.

Ainsi, en vertu de l’article L. 212-13 du code du sport, l’autorité administrative – le préfet – peut, par arrêté motivé, prononcer à l’encontre de toute personne dont le main­tien en activité constituerait un danger pour la santé et la sécurité physique ou morale des pratiquants l’interdiction d’exercer, à titre temporaire ou définitif, tout ou partie des fonctions mentionnées à l’article L. 212-1. Elle peut, dans les mêmes formes, enjoindre à toute personne exerçant en méconnaissance des dispositions du I de l’article L. 212-1 et de l’article L. 212-2 de cesser son activité dans un délai déterminé. Cet arrêté est pris après avis d’une commis­sion comprenant des représentants de l’État, du mouvement sportif et des différentes catégories de personnes intéressées (il s’agit du conseil départemental de la jeunesse, des sports et de la vie associative). Toutefois, en cas d’urgence, le préfet peut prononcer, sans consultation de cette commission, une interdiction temporaire d’exercice limitée à six mois.

En pratique, le préfet peut faire usage de cette prérogative de police dans de nombreuses situations, notamment après un accident grave survenu au cours d’une activité sportive encadrée. Tel était le cas dans l’affaire signalée.

Ainsi, à la suite d’un accident mortel de plongée survenu le 21 avril 2016 dans le cadre d’un établissement de plongée, le préfet du Var a pris un arrêté à l’encontre de la gérante de cet établissement, qui dirigeait la plongée au cours de laquelle l’accident s’est produit, lui interdisant d’exercer contre rémunération, pour une durée de six mois, les fonctions d’enseignement, d’animation ou d’encadrement d’une activité physique ou sportive mentionnées à l’article L. 212-1 du code du sport, pour l’activité de plongée subaquatique.

Le préfet a estimé qu’il existait en l’espèce une situation d’urgence justifiant de prendre une mesure d’interdiction temporaire sans consul­tation préalable du conseil départemental de la jeunesse, des sports et de la vie associative.

C’est cette question, à la fois de droit et de fait, qui a cristallisé les débats tout au long de la procédure engagée par la personne sanctionnée devant les juridictions adminis­tratives. En restant en activité, l’intéressée faisait-elle peser un risque pour la sécurité des pratiquants de nature à caractériser une situa­tion d’urgence justifiant une interdiction d’exercice temporaire prise sans procédure contradictoire ? Le tribunal administratif de Toulon a rejeté la demande d’annulation de la requérante alors que la cour administra­tive d’appel de Marseille lui a, au contraire, donné raison, estimant « que la poursuite de l’activité […] n’exposait pas les plongeurs faisant appel à ses services à un risque carac­térisant une urgence de nature à dispenser le préfet de toute procédure préalable, dont la consultation de la commission prévue à l’article L. 212-13 du code du sport » (CAA Marseille, 29 avril 2019, no 18MA04314).

Nouveau revirement en cassation. La Haute juridiction administrative relève qu’en sa qualité de directrice de plongée, l’intéressée était soumise, en application de l’article A. 322-72 du code du sport, à des responsa­bilités propres, notamment pour assurer la sécurité des plongeurs, et qu’il ressortait des pièces du dossier soumis aux juges du fond que plusieurs manquements lui étaient reprochés, dont un défaut de surveillance et de vigilance au regard des conditions météo­rologiques défavorables et de la compétence des plongeurs laissés seuls.

L’affaire est renvoyée devant la cour admi­nistrative d’appel de Marseille qui pourrait, cette fois-ci, valider l’arrêté litigieux. Même si la question de l’urgence demeure entière, on imagine mal en effet les juges d’appel se substituer au préfet pour apprécier cette condition…

 

Franck LAGARDE

[CE 30 mars 2021, n° 432181]

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